Notre-Dame-des-Landes, un feuilleton long de 50 ans à l'issue enfin connue.

Publié le 21/01/2018 à 19:00

Auteur : Romain Bitot

Creds : Capital
Creds : Capital

 

La préparation du projet.

 

Le projet d’aéroport du grand Ouest (plus connu sous le nom d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes) est né dans le cadre de la DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale) en 1963. Cette organisation avait pour but de développer les métropoles régionales. Ainsi, en 1965, la région Loire- Atlantique se met en quête d’un terrain autour de Nantes (« la recherche d’un nouveau site aéronautique pour les régions Bretagne et Pays de la Loire »). L’idée principale est de bâtir un deuxième aéroport pour les habitants des pays de Loire et de la Bretagne. En effet, l’aire métropolitaine de Nantes-Saint-Nazaire veut la construction d’infrastructures parvenant à répondre à ses besoins économiques et à la demande de la clientèle (« les différentes études concernant le développement des structures aéroportuaires de l’aire métropolitaine Nantes – Saint-Nazaire ont montré la nécessité de prévoir la création d’un nouvel aérodrome, extensible à la catégorie A, afin de pouvoir satisfaire en temps voulu les besoins de la clientèle des avions long-courriers »). Le sénateur français, Michel Chauty (membre du RPR), alors en mission parlementaire aux Etats-Unis en 1970, déclare même que « la métropole Nantes-Saint-Nazaire pourrait devenir le Rotterdam aérien de l'Europe par la création d'un aéroport international de fret au nord de la Loire ».

En 1974, les pouvoirs publics mettent en place une ZAD (à l’époque, Zone d’Aménagement Différé. Aujourd’hui une ZAD signifie Zone à Défendre) de 1125 ha (cf. photo en fin de dossier). Une ZAD permet à l’Etat de racheter progressivement les terrains afin de réaliser une opération d’aménagement urbain.

Les principales contestations proviennent de l’Association de défense des exploitants concernés par l’aéroport (ADECA), créée en 1972 par les agriculteurs s’opposant au projet d’implantation d’un aéroport sur leurs terres. Cette hostilité à l’encontre du projet, ajouté au choc pétrolier de 1973 puis à l’arrivée sur les terres Nantaises du TGV en 1989, contribuera à la mise en veille du projet.

 

 

Relance, conflits politiques et sociaux jusqu’à la situation présente.

 

C’est au début des années 2000, sous le gouvernement de Lionel Jospin, que le projet est relancé. Cette fois-ci selon le comité interministériel, l’enjeu est de « réaliser un nouvel aéroport, en remplacement de Nantes-Atlantique, sur le site de Notre-Dame-des-Landes afin de valoriser la dimension internationale et européenne des échanges de l’Ouest Atlantique ». Par ailleurs, la construction du nouvel aéroport non loin de Paris permettra de désengorger ceux de Roissy-Charles de Gaulle et d’Orly. Cependant, la ministre de l’environnement Dominique Voynet ne voit pas d’un bon œil cette affaire et propose une alternative. Pour elle, il faut déplacer l’aéroport de Nantes Atlantiques déjà existant sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Ainsi, le gouvernement rééquilibrerait la localisation des équipements vers l’Ouest du pays et réduirait les nuisances pour les Nantais. Finalement, nombreux arrêtés municipaux et débats publics viendront ralentir l’évolution d’un projet dont le sort aurait dû être scellé 25 ans plus tôt.

Un tournant s’opère en 2009. De multiples associations d’opposants dont Adeca, Acipa ou encore CéDpa investissent les lieux. En 2012, l’Etat lance l’opération « César » (cf. photo en fin de dossier) pour les déloger. L’intervention de 1000 policiers et gendarmes sur le terrain s’avérera être un véritable fiasco, faisant plusieurs blessés dans les deux camps. Les agissements parfois violents des forces de l’ordre interpelleront aussi et n’auront pour seul effet d’accroitre la volonté des militants à défendre la ZAD.

Pour sortir de l’impasse, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault stoppe les opérations d’expulsions des occupants et met en place une « commission du dialogue ». Cette commission finira par valider le projet en 2013, tout en recommandant une amélioration des mesures de compensation environnementales supposées préserver la biodiversité. La bataille juridique reprendra de plus belle et François hollande appellera, en 2015, à un referendum local pour décider de l’avenir du site « pour savoir exactement ce que veut la population ». Après maintes manipulations juridiques rendant possible le referendum, la question « Êtes-vous favorable au projet de transfert de l'aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? » est soumise aux habitants du département Loire-Atlantique. Le 26 juin 2016, les résultats officiels annoncent 55 % en faveur du « Oui » contre 45% pour le « Non ». Ces résultats sont cependant à nuancer, les communes directement concernées votant contre le projet à de très forte majorité.

 

 

De la médiation à l’annulation du projet.

 

Emmanuel Macron respecte sa promesse de campagne en organisant une médiation (La médiation est une pratique ou une discipline qui vise à définir l'intervention d'un tiers pour faciliter la circulation d'information, éclaircir ou rétablir des relations. Ce tiers neutre, indépendant et impartial, est appelé médiateur). Cette médiation devait rendre son rapport le 1er Décembre 2017 au plus tard. Il sera finalement remis le 13 décembre à Edouard Philippe et retiendra deux options          « raisonnablement envisageables » : un transfert de l’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ou son maintien, avec un réaménagement, à Nantes-Atlantique.

A l’issue du conseil des ministres de mercredi dernier, Edouard Philippe annonce que le projet d’aéroport du grand Ouest est abandonné.

La décision du gouvernement d’enterrer le projet annonce une série de mesures dont certaines sont déjà connues. Le Premier ministre a confirmé que l’aéroport Nantes-Atlantique actuel sera modernisé pour accueillir davantage de passagers et réaménagé avec l’agrandissement des pistes de lancement. Par ailleurs, Edouard Philippe a avancé qu’il mettrait fin à la ZAD qu’il considère comme une « zone de non-droit ». Il laisse jusqu’au printemps aux associations et aux squats pour lever le camp sinon, « les forces de l’ordre procéderont aux opérations nécessaires ». Enfin, il est assuré que les agriculteurs expropriés pourront retrouver leurs terres le moment venu.

Gerald Fredzer, consultant en aéronautique, estimait que le projet « n’[était] pas celui d’un aéroport du XXIème siècle ». A la tête d’un collectif d’élus opposés à la construction de l’aéroport, Françoise Verchère avance dans une tribune que « l’abandon était la seule décision raisonnable à prendre ! ». Point de vue antagoniste, Philippe Grosvalet, le président (PS) du conseil départemental de la Loire-Atlantique et favorable au projet reproche au gouvernement de ne pas avoir respecté la justice et le suffrage universel (Cf. referendum).

 

 

L’après…

 

Projet annulé, mesures prises et communication assurée, le ministre de l’intérieur, Gerard Collomb, a réclamé, jeudi 18 janvier, que la « routes des chicanes » soit évacuée d’ici « la fin de la semaine prochaine ». Cette route symbolique est en réalité une portion de la départementale 281. Elle a été nommée ainsi en raison des nombreux obstacles qui la jonchent.