Le "shutdown" du gouvernement fédéral américain

Publié le 20/01/2017 à 21:00

Auteur : Mohamed-Amine Laaraiedh

Creds : The Economist
Creds : The Economist

 

Le 18 décembre dernier, la Chambre des Représentants du Congrès américain validait un projet de budget à court terme pour maintenir le gouvernement ouvert jusqu'au 16 Février. Cependant, le 19 Janvier à 22h00, le Sénat vota contre ce projet de budget.

 

C'est ainsi que le gouvernement fédéral américain se retrouve à fermer ("shutdown" veut littéralement dire fermeture) pour la première fois depuis 2013. En ce temps, les Démocrates tenaient la présidence (Obama) et étaient majoritaires au Sénat, tandis que les Républicains contrôlaient la Chambre des Représentants. Les deux partis étaient alors au coeur d'une bataille concernant l'Obamacare.

 

Aujourd'hui, les Républicains ont brigué la présidence il y a un an jour pour jour avec l'investiture de Donald Trump. Ils sont également majoritaires dans les deux chambres, mais il leur faut toutefois 60 voix au Sénat pour que le projet de budget soit voté, ce qui signifie qu'ils doivent convaincre 9 Démocrates de voter en faveur de ce projet. Les Républicains de la Chambre ont tenté de faire pencher la balance de leur côté en incluant dans le projet une nouvelle autorisation pour le programme CHIP qui propose une couverture maladie pour les enfants en situation de pauvreté. Le président de la Chambre, Paul Ryan, est même allé jusqu'à implorer les Démocrates de "ne pas mettre en danger le financement" du programme CHIP, ce qui est absolument incroyable étant donné que les Républicains, disposant de la majorité dans les deux chambres, pourraient le financer à n'importe quel moment.

 

La principale raison qui motive le refus des Démocrates de voter ce budget est le fait qu'il n'inclue pas de réaménagement législatif pour le DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals), un programme lancé sous l'ère Obama pour protéger les immigrés arrivés sur le sol américain avant leurs 16 ans de l'expulsion, auquel Trump a mis fin en septembre. Les Démocrates veulent donner aux quelques 700.000 bénéficiaires du DACA un chemin jusqu'au droit de résidence légale. Dix jours plus tôt, Trump promettait de signer un accord bipartite qui règlerait la situation de ces derniers mais les contours de ce projet de loi sont largement connus : un chemin jusqu'au droit de résidence pour les bénéficiaires du DACA en échange d'une augmentation du budget alloué à la sécurité aux frontières, notamment à la construction du mur entre les États-Unis et le Mexique (ce même mur qui était censé être financé par le Mexique, selon la promesse phare de sa campagne, et non pas par les contribuables américains).

 

Cependant, la semaine passée, lors d'une déclaration, le président des États-Unis semblait se détourner de ce ton accommodant, traitant Haiti et plusieurs nations africaines de "pays de merde". Cela a peut-être fait plaisir à la partie nationaliste de son électorat mais ce nouveau coup médiatique a conduit les Démocrates à se montrer plus durs dans les négociations. De plus, lui qui paraissait prêt à négocier la semaine dernière, a annoncé le 18 Janvier qu'il signerait un accord sur l'immigration  seulement si Tom Cotton et Mark Meadows, réputés très conservateurs, votaient en faveur de ce dernier.

 

Face à la perspective de plus en plus réaliste de perdre leur majorité à la Chambre en novembre, les Républicains semblent penser que ce "shutdown" pourra les aider à se maintenir en tête au Sénat. Dix sénateurs Démocrates issus d'États que Trump avait remportés en 2016 vont faire campagne pour leur réélection cette année. On peut s'attendre à voir des affiches accusant ces sénateurs de défendre des résidents "illégaux" au lieu de se préoccuper du maintien du gouvernement ouvert et du sort des bénéficiaires du CHIP dans l'ensemble de ces dix États. Les Démocrates, eux, pensent que les électeurs blâmeront les Républicains pour le "shutdown" qui entraîne actuellement la fermeture de dizaines d'agences à travers le pays ainsi que la suspension du versement des salaires de centaines de milliers de fonctionnaires fédéraux "non-essentiels".

 

En 2013, l'idée d'une potentielle crise financière provoquée par le non-réajustement du plafond de la dette força les deux partis à lancer les négociations. Aucune menace de ce genre n'est présente aujourd'hui. En 2013, Obama conduit les négociations pour le compte de son parti et fut clair sur les objectifs de ses politiques. Aujourd'hui, personne ne sait ce que souhaite Donald Trump ou ce qu'il signerait.

 

On peut cependant espérer que la situation prenne fin rapidement. En effet, dans la soirée du 19 Janvier, Mick Mulvaney, à la tête du bureau de la gestion et du budget,  déclarait qu'il y a "de fortes chances qu'une solution soit trouvée" avant le 22 Janvier. Cela pourrait s'expliquer par la victoire médiatique dont Trump bénéficierait s'il mettait fin à la situation, mais l'hypothèse la plus probable est une signature de Trump pour éviter les effets d'un "shutdown" à long terme, qui obèrerait la croissance du PIB (qui est l'une des réussites de ce début de mandat).