Chet Baker...

Publié le : 17/11/2018 à 17 h 00

Auteure : Lucie Bessac

Crédits : JazzRadio.fr
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Crds : WikimediaCommons
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Chet Baker « James Dean du jazz », le trompettiste junkie

Près de trente ans après sa mort le 13 mai 1988, Chet Baker continue de fasciner. Profondes rides et joues creuses, ange et démon, une existence entre rêve et cauchemar. Avec cette gueule d'ange qui lui a valu le surnom de « James Dean du jazz », il laisse derrière lui l'existence chaotique d'un musicien déchu.

 

 

Chesnay Henry Baker,  Chet Baker Jr ou La Trompette :

 

Né à Yale (en Oklahoma) le 23 décembre 1929, le petit Chet s'installe en Californie du Sud à ses 13 ans suite à la dépression de son père, alors contraint d'arrêter la musique. Ce guitariste du dimanche fan de Jack Teagarden lui offre un trombone pour ses premiers bains dans la musique, mais Chet, trouvant l'instrument « trop délicat à porter », s'empresse de l'échanger contre une trompette, modèle Harry James.

 

 

La star du west coast jazz :

 

Musicien doué, Chet Baker est repéré au début des années 1950 par le célèbre saxophoniste Charlie Parker qui l'invite à prendre la place de Miles Davis. C'est avec les grosses pointures du Jazz West Coast et le pianiste Russ Freeman qu'il joue et forme son propre quartet en 1953. Le disque Chet Baker Sings fait de lui l'icône du Cool Jazz de la côte ouest américaine, mais surtout l'idole des californiens avec son style détendu, presque aérien. 

 

« La perfection, on le sait, n'existe pas. Mais lui, quand il joue, il en est très proche », Ricardo Del Fra (contrebassiste)

  

Dans sa version de « My Funny Valentine » gravée en 1956 sa voix murmure plus qu'elle ne chante et sa trompette danse plus qu'elle ne joue. Il développe une sonorité pleine de fragilité et de délicatesse. Cette année-là il est sacré trompettiste de l'année par les magazines de jazz, poussant un Miles Davis peu enchanté dans son ombre

 

 

Le piège de l'héroïne :

 

La relation la plus forte de sa vie, bien devant ses multiples amours, restera sans aucun doute la drogue. Cette relation qu'il noue étroitement avec « ses problèmes personnels » (formule évoquée dans Let's Get Lost, Bruce Weber) commence dès les années 1960. La presse scandale se fait un plaisir de relayer ses ennuis avec la justice et s'enchaînent condamnations et expulsions notamment  d'Allemagne et d'Italie lors de sa tournée en Europe. L'image d'un junkie remplace celle du jazzman, et à son retour aux États-Unis en 1965 la notoriété de Chet Baker s'est envolée et rien ne suffit pour relancer sa carrière.

 

En 1968 sa mâchoire est fracturée et ses dents cassées lors d'une agression par des dealers californiens, s'en suit alors une longe rééducation. Réapprendre à jouer de la trompette avec un dentier représente la plus grande des douleurs, ses concerts oscillent entre extraordinaire et médiocre. Il ne retrouvera plus jamais sa notoriété d'autrefois.

  

« Je l'avais invité un jour à jouer avec moi. J'avais oublié qu'il ne lisait pas la musique, il suivait les cordes comme s'il l'avait fait toute sa vie. […] il mettait tout son cœur dans la musique », extrait du film Let's Get Lost de Bruce Weber

 

  

La descente aux enfers :

 

Il continuera à se produire jusqu'à la fin de sa carrière, accompagné par les pianistes Michel Grailler ou Alain Jean-Marie en Europe. Le timbre de sa voix cassé par ses excès dévoile des fragilités plus intimiste dans sa musique. Chet Baker sera retrouvé le crâne fracassé, dans une ruelle d'Amsterdam un matin de mai 1988. Ses joues creusée par l'épuisement et son teint gris presque violacé rendant son cadavre presque vivant dépeignaient son portait de ces dernières années. La vie avait défilé, le chaos était passé par là.

 

De cette personnalité aussi adorée que délaissée, d'une relation compliquée avec la vie en restera à jamais l'image d'un des plus grands trompettistes de l'histoire du jazz.

 

 

 

« Il y a aussi toute l'image qu'il véhicule à travers son parcours chaotique et une légende qu'il a contribué à bâtir. », Noël Balen (auteur de biographies du jazz, ancien musicien)